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LE BLOGUE

De l’intimidation à la garderie. Vraiment ?

Je suis une RSE inquiète par le comportement d’un petit garçon de quatre ans qui subit de plus en plus l’influence négative d’un compagnon un peu plus vieux. Cet enfant accepte de frapper un pair si son copain lui en fait la demande, reçoit des menaces de lui retirer son jouet s’il ne joue pas avec lui ou de ne plus être son ami s’il ne fait pas ce qu’il lui ordonne. Je suis déroutée par cette situation qui ne s’améliore pas malgré plusieurs interventions de ma part. Je me demande s’il s’agit vraiment d’intimidation vu le jeune âge des enfants, mais les signes d’anxiété qui s’intensifient chez le plus jeune me laissent à croire que c’est le cas. Qu’en pensez-vous ?

M.T.

Par Nicole Malenfant

Avant de conclure qu’il y a intimidation, il importe d’évaluer chaque situation, de manière distincte. Si les gestes posés semblent généralement délibérés avec une intention de nuire, et qu’en plus, ils se répètent, on peut supposer qu’il s’agit d’intimidation. Dans tous les cas, il faut faire cesser ces comportements sans tarder. En n’intervenant pas ou en ne le faisant pas correctement, cela risque de se détériorer. Chez de jeunes enfants, une relation marquée par un rapport de force est susceptible de laisser des traces profondes et durables. Les spécialistes sont d’accord pour dire qu’une intervention précoce est d’une importance capitale pour prévenir le cercle de l’intimidation plus tard dans la vie.

Qu’est-ce que l’intimidation ?

Sur le site Famille Québec1, on rapporte que La loi sur l’Instruction publique définit l’intimidation comme suit : « Tout comportement, parole, acte ou geste délibéré ou non à caractère répétitif, exprimé directement ou indirectement, y compris dans le cyberespace, dans un contexte caractérisé par l’inégalité des rapports de force entre les personnes concernées, ayant pour effet d’engendrer des sentiments de détresse et de léser, blesser, opprimer ou ostraciser. »

Pourquoi de tels agissements ?

Que ce soit pour attirer l’attention de son entourage, ou pour se démarquer des autres ou pour se faire aimer, il arrive qu’un enfant se mette en position de dominant ou de dominé. Il faut savoir que dans les deux cas, les réactions des enfants traduisent un fragile sentiment de sécurité intérieure. Dans une situation d’abus de pouvoir, la victime comme l’agresseur éprouve un malaise profond, qu’ils ne peuvent surmonter seuls. Ils ont besoin d’adultes matures qui les protègent avec des règles claires et précises, qui doivent être appliquées avec fermeté et constance sans abuser de leur pouvoir d’autorité.

Il arrive souvent que lors de conflits qu’ils vivent, les enfants se sentent délaissés, rejetés et tristes, précise Mme France Capuano, professeur titulaire à la faculté des sciences de l’éducation de l’UQÀM2. Les adultes qui banaliseraient ces émotions au quotidien, qui n’accorderaient pas beaucoup d’importance à ce qui se passe chez les enfants et dans le groupe, participeraient sans le savoir ni le vouloir à la construction des bases de l’intimidation.

La collaboration des parents

Les parents de ces enfants ont-ils été informés de la situation ? Sinon, il est impératif de le faire. Il est primordial d’en savoir davantage sur le contexte familial qui expliquerait, à tout le moins en partie, la détérioration des comportements des enfants concernés à la garderie : rapport d’autorité exercé par un aîné, inhibition depuis l’arrivée d’un nouveau bébé, événement marquant qui a une incidence sur l’estime de soi de l’enfant. La RSE informe les parents des mesures qui sont prises à la garderie pour mettre fin à cette relation malsaine et leur demande leur collaboration pour le bien-être de leur enfant.

Le rejet comme facteur déterminant

Se distinguer par une caractéristique physique (couleur de peau, port de lunettes, taille, sexe, habillement), comportementale (timidité, anxiété, agressivité, soumission, isolement), cognitive (retard de langage, niveau de compréhension faible) fait courir le risque d’un rejet au sein d’un groupe. Cela peut débuter aussi tôt que 4 ans au moment où l’identité sociale se forme3. Peut-être est-ce le cas de l’enfant qui se laisse influencer dans le cas présent ? Est-il un membre non apprécié dans le groupe ?

Miser sur la prévention

Il n’est pas tout de refréner et de supprimer les comportements qui posent problème, il faut aussi faire de la prévention. Comment faire de la prévention plus précisément ? D’abord, en étant soi-même un modèle positif dans l’acceptation de la différence et des autres. Si les enfants sont témoins de propos malveillants ou d’attitudes négatives envers des parents ou d’autres personnes, il est fort à parier qu’ils adopteront la même perception ou les mêmes comportements de rejet.

Une observation attentive des enfants au quotidien s’impose avant même que ne surgissent des manifestations agressives ou des conflits. Pour une RSE, l’observation se situe au cœur de ses actions éducatives et concerne tous les enfants, sans exception, dans leur développement global. L’apprentissage de comportements comme partager, se montrer sensible envers autrui, apprendre à respecter la nature et les animaux, utiliser le langage pour exprimer ses émotions se révèle essentiel. La promotion de comportements prosociaux tend à diminuer le nombre et l’intensité des interactions agressives et permet de réduire le risque de récidive.

Que faire sur le moment ?

Si malgré un bon sens de l’observation, une situation de victimisation se produit, éloignez les enfants l’un de l’autre en évitant d’accorder de l’attention à l’intimidateur. Il importe d’intervenir dès les premières manifestations agressives. Adressez-vous à l’enfant qui s’est fait intimider en appliquant la technique du reflet des sentiments : « Tu es triste lorsqu’il te dit cela, n’est-ce pas ? » Inutile de vous mettre en colère contre lui à le voir se laisser traiter ainsi. Assurez-le de votre aide : « Je ne laisserai personne te parler ainsi ou te demander une telle chose. » Attention cependant de ne pas tomber dans la consolation à outrance ou la surprotection. Vous devez montrer à cet enfant comment s’affirmer : « La prochaine fois, dis-lui non à ce qu’il te demande de faire et éloigne-toi de lui. » Quant à l’enfant intimidateur, attendez un moment calme pour lui énoncer clairement les interdits sans banaliser ni dramatiser son comportement : « Je ne veux pas que tu fasses cela. À la garderie, personne ne menace un copain de ne plus être son ami ».

Montrez-vous déterminée à mettre fin à la situation. Votre persévérance et la continuité dans l’application des mesures choisies joueront un rôle déterminant dans la réussite de votre plan d’action.

Agir sur divers plans

Profitez des activités de groupe pour mettre en valeur les comportements prosociaux des enfants du groupe et pour enseigner les bons gestes. Une histoire abordant le sujet de l’intimidation ou une causerie avec une marionnette sympathisant avec la tristesse d’un personnage sont d’excellents moyens pour contrer la victimisation. On peut aussi accorder une importance quant aux ressemblances qui existent entre les enfants. En parallèle à l’unicité qui demeure une valeur fondamentale dans une perspective humaniste, il y a aussi beaucoup de similitudes entre eux à leur faire voir, soit sur le plan de la physionomie (« on a tous des cheveux, une bouche, des oreilles, etc. »), des champs d’intérêt (histoire, jeux moteurs, jeux symboliques, animaux, etc.) ou de la famille (« chacun a un logis, une famille élargie, on a la même éducatrice »), etc.

Il est essentiel de renforcer l’estime personnelle des enfants en les aidant à développer leurs forces et leurs talents. Faites ressortir ce qui est appréciable chez chacun d’eux. Accordez-leur du temps positif ici et là dans la journée. En leur confiant de petites responsabilités et en encourageant leur expression à tous niveaux – verbale, artistique, corporelle -, vous leur permettez de s’épanouir sur le plan personnel. Cela se répercutera dans leurs rapports avec autrui.

Au fur et à mesure que se développent les habiletés sociales, les comportements d’intimidation tendent à diminuer. Si le problème perdurait sans connaître de répit, il faudrait demander de l’aide sans hésiter.

1 Famille Québec, Qu’est-ce que l’intimidation ? dans https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/intimidation/definition/Pages/index.aspx, consulté en mai 2021.

2 Plamondon-Émond, Étienne « La parole et l’écoute pour prévenir l’intimidation en bas âge » dans Le Devoir, 11 février 2017 dans https://www.ledevoir.com/societe/education/491182/la-parole-et-l-ecoute-pour-prevenir-l-intimidation-en-bas-age, consulté en mai 2021.

3 Gouvernement du Canada, L’intimidation chez les 4 à 11 ans dans https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/intimidation/intimidation-chez-4-11-ans.html, consulté en mai 2021.