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LE BLOGUE

À 3 ans, il parle très peu: dois-je m’inquiéter?

Dans le nouveau groupe que j’ai depuis trois mois, il y a un petit garçon qui vient d’avoir 3 ans. Il ne parle que pour dire oui ou non, que ce soit avec les adultes ou les autres enfants. Je ne vois pas de progrès contrairement aux autres enfants de son âge. Selon sa mère, il parle beaucoup à la maison. J’ai remarqué que dans ses jeux, il fonctionnait essentiellement par imitation. Il est timide et peu sûr de lui. Je sais que chaque enfant évolue à son rythme, mais je me demande s’il y a lieu de m’inquiéter.

Véronique

Par Nicole Malenfant

S’il est normal à 3 ans de se montrer réservé et peu bavard dans des situations nouvelles, il y a lieu de s’interroger en présence d’une difficulté marquée et persistante à communiquer en compagnie de personnes que l’enfant connaît bien. Non seulement le langage se développe-t-il rapidement pendant les années préscolaires, mais c’est aussi durant cette période que l’enfant apprend à s’en servir pour régler des conflits, formuler des opinions, demander de l’aide et s’intégrer à ses semblables. Cette étape est fondamentale dans le développement de l’enfant.

Le plus important est d’éviter que cet enfant s’isole trop souvent et trop longtemps. Profitez de toutes les occasions propices pour le faire participer à la vie de groupe et pour lui faire vivre un sentiment d’appartenance : petites responsabilités, mise en valeur de ses habiletés, renforcement de son autonomie dans les routines. Sans toutefois le forcer, invitez-le à faire les premiers pas vers les autres avec un peu d’aide, au besoin: « Viens, on va aller voir ce que font les copains dans les modules ». Il est important aussi de le soutenir dans ses tentatives de communication non verbale : rires, regards soutenus, sourires, gestes : « Je vois que tu regardes le jeu de Rosalie. Est-ce que tu aimerais, toi aussi, jouer avec les blocs? On va aller lui demander si on peut jouer avec elle. »

Communiquez aux parents des faits d’observation avec objectivité sur le langage de leur enfant et sur leur impact dans son développement. Par exemple, votre enfant a tendance à frapper s’il ne se fait pas comprendre. Il a besoin d’apprendre à communiquer clairement avec les autres. Les enfants hésitent à jouer avec lui et il se retrouve souvent seul lors des jeux libres. Racontez-leur comment vous le soutenez dans le développement de ses capacités langagières : je lui pose des questions ouvertes qui l’incitent à répondre autrement que par un seul mot ou par un simple oui ou non. Je persévère dans mes tentatives à l’aider dans son langage.

On sait qu’un style éducatif démocratique favorise le développement des habiletés socioaffectives tout au long de l’enfance. Dans un tel contexte, l’éducatrice se montre habile à refléter les sentiments des enfants, à les encourager à résoudre des problèmes, à leur permettre de faire des choix et de faire valoir leurs intérêts. Est-ce ce que vous mettez en place dans votre pratique au quotidien?

Le désir de la parole chez les enfants timides s’accroît généralement avec la qualité de l’écoute et la bienveillance des gens de leur entourage.

Montrez-vous patiente et compréhensive à l’égard de cet enfant, ce qui ne signifie pas pour autant de vous transformer en traductrice ou en protectrice. Bien au contraire, car en agissant ainsi vous l’empêcheriez de se dépasser. Accordez de l’importance à ses efforts de langage, mais avec discrétion. Vous ne souhaitez sans doute pas lui créer une anxiété supplémentaire en le mettant trop en évidence : il vient de parler, vous l’avez entendu? Formidable! Aussi est-il important d’offrir un cadre de vie calme, stable et sécurisant, qui aidera certainement l’enfant. Qui aurait le goût de parler et de se faire confiance dans un climat tendu et un environnement bruyant?

Je vous invite à offrir une variété d’activités stimulantes où ce garçon pourra poursuivre l’acquisition de son vocabulaire. Partagez avec lui la lecture d’histoires en le faisant participer. Les jeux de rôles étant très importants à cet âge, permettez-lui de s’y adonner avec du matériel qu’il aime, dont celui issu de la vie domestique (bols en plastique ou en bois, fouet, spatule, étui à lunettes, portemonnaie, etc. Les objets qui rappellent la vie familiale ont la particularité de réconforter l’enfant anxieux. Quant aux petites figurines et marionnettes, ce matériel peut lui donner envie de communiquer avec ses pairs.

Comme on le sait, les chansons et les comptines stimulent les capacités langagières des enfants. Allez-y avec un répertoire simple comprenant des paroles qui se répètent et des gestes : Meunier, tu dors… L’araignée Gipsy… Si tu aimes le soleil… Chantez spontanément avec bonne humeur, il est là l’essentiel.

Il faut savoir que les conséquences liées aux difficultés de langage s’aggravent avec l’âge et qu’elles ont tendance à empirer avec l’entrée à l’école. On doit alors tenter de traiter le problème avant qu’il ne se transforme en inadaptation sociale. Si la situation ne s’améliore pas d’ici les 2-3 prochains mois, il serait alors temps que cet enfant obtienne de l’aide.

Bien sûr, mettez en valeur les forces et les intérêts de l’enfant dans les différents domaines de son développement global. Après tout, la dignité de l’enfant mérite qu’on pose un regard juste sur ses capacités au-delà de ses limitations langagières et sociales qui, souhaitons-le, diminueront avec le temps.

Nourrir chez cet enfant le plaisir de communiquer et de s’exprimer de toutes les façons possibles demeure la règle d’or.

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Références

Bouchard, C. et collaborateurs. Le développement global de l’enfant de 0 à 6 ans en contextes éducatifs, 2e éd. PUQ, 2019.

Malenfant, N. Vivement la musique avec les enfants de 3 à 6 ans. Chenelière éducation. 2013.

Weitzman, E. et J. Greenberg. Apprendre à parler avec plaisir, 2e éd. The Hanen Program, 2008.