Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

LE BLOGUE

Comment agir quand un parent refuse de consulter un spécialiste pour son enfant ?

Roxanne travaille comme éducatrice dans un service de garde éducatif auprès d’un groupe d’enfants âgés entre 18 et 30 mois. Depuis son arrivée, il y a 4 mois, Yasmin, 26 mois, montre des comportements qui l’interpellent: difficulté à capter son regard, absence de langage verbal compréhensible, préférence marquée pour les jeux solitaires et répétitifs. Elle a beau rapporter régulièrement ces faits aux parents, mais ceux-ci ne semblent pas prendre au sérieux son questionnement. La mère de Yasmin lui a exprimé que sa fille se portait bien. Roxanne ne sait plus quoi faire alors qu’elle a tant à cœur le bien-être de chaque enfant.

Par Nicole Malenfant

Il faut savoir qu’il est normal qu’un parent se montre d’emblée peu enclin à collaborer en pareille situation même lorsqu’on s’y prend avec tact et diplomatie. La première réaction du parent qu’elle soit émotive, marquée par la défensive ou le déni peut faire place à une ouverture grâce notamment à certaines attitudes de la part de l’éducatrice. Dans tous les cas, il est primordial de ne pas attribuer d’étiquettes ni à l’enfant ni à ses parents, ou agir en expert ou avancer un diagnostic.

S’il se montre d’abord méfiant ou réfractaire face à l’idée de consulter un spécialiste pour son enfant, ce n’est peut-être pas que le parent remette en doute la compétence de l’éducatrice ou qu’il refuse catégoriquement de reconnaître le problème. Peut-être se sent-il inconsciemment coupable de la situation ou a-t-il déjà beaucoup de responsabilités à assumer de sorte qu’il se sente dépassé, ou encore qu’il n’ait jamais été sensibilisé auparavant à des particularités développementales chez un enfant. La barrière de la langue peut aussi faire obstacle dans la communication avec les parents tout comme leur culture qui est aussi susceptible d’influencer la façon de considérer et de traiter des troubles du développement chez leur enfant. « Les nouveaux arrivants issus de cultures dans lesquelles on compte beaucoup sur le soutien de la famille et des amis sont moins susceptibles de demander l’aide de professionnels. Il se peut que ces familles ne cherchent pas à recevoir des traitements, ni même du soutien, si elles sentent qu’il n’est pas approprié qu’elles demandent l’aide d’« étrangers ». Il se peut qu’elles aient honte ou qu’elles refusent d’accepter du soutien même s’il leur est offert, et que la communauté à laquelle ils appartiennent renforce la perception selon laquelle la famille doit assumer l’entière responsabilité de satisfaire les besoins de ses membres. »1

Il est probable que l’éducatrice soit la première personne qui aborde directement le sujet des particularités de développement de leur enfant avec ses parents. Dans une telle situation, il est normal que ceux-ci affichent une certaine incrédulité ou une méfiance. En tentant de comprendre la réaction du parent, en évitant de porter un jugement à son égard et en se montrant à l’écoute de ce qu’il éprouve, l’éducatrice agit pour le mieux pour amener éventuellement le parent à montrer une ouverture face à l’aide dont leur enfant aurait besoin.

L’éducatrice témoigne de professionnalisme en abordant honnêtement avec les parents les besoins spécifiques de leur enfant et non en évitant le sujet, et ce, bien avant la remise du portrait de développement prévue deux fois par année. Pour ce faire, elle aura tout intérêt à ne pas tarder à proposer une rencontre avec les parents. Une bonne préparation est requise pour en assurer un déroulement harmonieux. Roxanne veillera à diminuer la peur qu’elle pourrait ressentir en anticipant une réaction négative de la part du parent. Elle pourra renforcer sa confiance personnelle par divers moyens : recueillir des observations auprès d’autres éducatrices qui ont un contact avec l’enfant, rédiger un résumé des faits d’observation les plus significatifs situés dans leur contexte en lien avec la problématique concernée en faisant ressortir son impact sur l’ensemble du développement de l’enfant, obtenir l’avis et le soutien d’une conseillère pédagogique et lui demander d’assister à la rencontre. Afin d’échanger en toute confidentialité sur le sujet, il faudra donner rendez-vous aux parents à un moment jugé opportun et dans un lieu où le calme et la discrétion seront préservés.

La rencontre avec les parents n’a pas comme but de les convaincre de consulter un professionnel pour leur enfant. Elle servira essentiellement à recueillir grâce à une écoute bienveillante des informations sur les agissements de l’enfant à la maison, sur les habitudes de la famille, sur la fratrie. On demandera aux parents d’expliquer leur point de vue sur les observations rapportées, les approches de traitement qu’ils envisagent d’offrir à leur enfant. L’éducatrice précisera aux parents qu’il est essentiel d’établir un travail d’équipe pour soutenir au mieux le développement de leur enfant.

En dépit des moyens mis en œuvre, il arrive que les parents ne souhaitent pas aller de l’avant pour le moment avec l’idée de consulter un professionnel. Cette décision leur revient en tant que premiers éducateurs de leur enfant. Quelle que soit l’issue de la démarche, l’éducatrice a la responsabilité de continuer à soutenir au quotidien l’enfant dans son développement global. Elle a aussi le devoir de continuer à communiquer avec objectivité aux parents ses observations sur leur enfant dans tous les domaines de développement (physique et moteur, cognitif, langagier, et social et affectif) sans oublier de mentionner ce qui va bien.

Détecter des indices d’un possible problème de développement ne signifie pas diagnostiquer. Le diagnostic consiste à mettre un nom sur des signes et il est posé par un professionnel de la santé. De son côté, l’éducatrice a le privilège d’initier la première étape d’un processus qui est susceptible tôt ou tard de faire une différence dans la vie de l’enfant et de ses parents. En agissant de manière professionnelle, Roxanne pourra se dire : mission accomplie!