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LE BLOGUE

L’enfant unique démystifié

S’il existe un préjugé tenace en éducation que ce soit en société, à la garderie ou à l’école, c’est bien celui de l’enfant unique souvent étiqueté d’égoïste et de gâté. Voici quelques mises au point sur un phénomène de plus en plus répandu, celui de l’enfant sans fratrie.

Par Nicole Malenfant

À la fin de ma vingtaine, je rêvais d’avoir un enfant et je l’ai eu. Puis, j’en ai désiré un deuxième, mais la vie en a décidé autrement. C’est alors que je me suis retrouvée mère d’un seul enfant et que ma fille a hérité du statut d’enfant unique. Que ce soit de manière volontaire ou non, près du tiers des familles québécoises se limitent à un seul enfant. Sans compter les foyers où le dernier-né grandit seul alors que les autres membres de la fratrie se trouvent à d’autres stades de leur vie.

L’enfant unique suscite l’envie en raison de l’entière disponibilité parentale dont il bénéficie. À l’inverse, on l’accuse d’être choyé et peu sociable, d’avoir de la difficulté à partager. De fait, avec trop d’attention portée sur lui, l’enfant unique risque de développer un sentiment d’importance excessif qui lui donnerait des droits injustifiés, explique le pédopsychiatre Carl E. Pickhardt dans son livre L’enfant uniqueiL’éducation fera toute la différence entre un enfant inapte à supporter les frustrations et celui capable de s’adapter à des contraintes normales.

« Avec un frère, il ne se laisserait pas faire ». « C’est normal qu’il vive mal les échecs ». C’est le genre de commentaires que Roxane peut entendre à l’endroit de son fils unique de 5 ans y compris de la part d’éducatrices. « Comme si le fait d’être élevé seul s’avérait la cause de tous les maux d’Olivier », s’exclame-t-elle. Pas plus que le deuxième ou le dernier de famille, l’enfant unique ne se trouve à l’abri des expériences de l’enfance.

À défaut de liens fraternels, l’enfant unique a besoin de se frotter et de s’identifier à ses pairs : condition indispensable pour se différencier du monde des grands.      « Avec les enfants de mes amis, Olivier apprend à vivre les hauts et les bas des amitiés enfantines », constate la mère. Inviter des compagnons à la maison, fréquenter la garderie et visiter des voisins lui fournissent des occasions d’acquérir l’expérience sociale nécessaire pour mûrir. Toutefois, face à certains événements, l’enfant privé de fratrie peut se sentir isolé. « Je me suis sentie seule à vivre le divorce de mes parents. Je n’avais pas de frère ni de sœur avec qui partager mes sentiments, avoue Éliane, 17 ans. Heureusement que j’avais des amies à qui en parler. »

Le couple Dion-Ricard ne voit que des avantages à n’avoir qu’un seul enfant. « On a plus de temps pour Maëlla et c’est plus simple de l’intégrer à nos activités. » De leur côté, Inès et Philippe avouent leur culpabilité de ne pas donner de frère ou de sœur à leur fille. Être en paix avec sa réalité et sa décision s’avère nécessaire. Quant aux parents divorcés, il faudra éviter de faire porter à leur unique rejeton leur besoin d’avoir un compagnon ou un confident. Au parent solo, il est plus qu’important d’avoir une vie bien à lui en dehors de son rôle parental.

Grandir seul ou en compagnie de frères et de soeurs comporte des atouts comme des risques, soutient Pickhardt. Si aucun trait absolu ne définit l’enfant unique, sa situation familiale influence néanmoins sa personnalité au point de le distinguer des autres enfants. Intégré très tôt aux conversations des adultes, il est souvent précoce verbalement et intellectuellement, affirme le pédopsychiatre. En dépit d’un lien fort développé avec ses parents et d’une bonne estime de soi, aucun enfant unique ne se montre en avance sur le plan affectif, précise-t-il. On le voit aussi souvent plus perfectionniste. Est-ce dû au besoin de plaire à ses parents dont le désir d’enfant ne repose que sur lui ? À chaque cas, son explication.

Il n’existe pas de stéréotype de l’enfant unique. Chaque enfant est unique en soi avec son tempérament, ses modèles d’éducation et son itinéraire. Ni pire ni meilleure que les autres, ma fille unique a cependant vécu une constellation familiale particulière. Elle s’est construite au fil des années des amitiés qui compensent en grande partie l’absence de frère et de sœur. Et comme mère, j’ai tenté de l’aider à tirer profit le plus possible de son statut d’enfant unique.

La prochaine fois que vous entendrez un préjugé favorable ou défavorable à l’endroit d’un enfant unique que ce soit comme éducatrice ou comme parent, peut-être serez-vous plus enclines à le considérer pour ce qu’il est et non en fonction de son statut familial.